mardi 7 mai 2013

Une Antigone de papier/Au fil d'Oedipe


Une Antigone de papier et Au fil 
d’œdipe

deux pièces par la compagnie Les Anges au plafond.

      
© Au fil d’œdipe, Compagnie Les anges au plafond



           Ce diptyque, en tournée depuis sa création en 2008, consiste en la réadaptation de deux pièces classiques, dont la principale originalité est le choix d'une mise en scène marionnettique, éclairant d'une lumière nouvelle les problématiques inhérentes à ces deux mythes, et en vive résonance avec notre actualité politique et sociale. Loin d'être de simples poupées, les marionnettes sont en effet partie prenante de tout un dispositif scénique et scénographique extrêmement travaillé et d'une mise en scène de qualité, qui font de ces spectacles des objets riches, tant esthétiquement que sémantiquement, et dont la lecture s'effectue à plusieurs niveaux. Les images, plastiques, nous content à travers un dispositif immersif ingénieux l'évolution d'individus se débattant parmi plusieurs enjeux politiques.
              Les deux pièces sont introduites de manière similaire : un projectile est lancé dans une cible et un oiseau relativement comique entame alors une sorte de prologue, en référence aux pièces antiques. Il prévient d'ores-et-déjà le spectateur : ces projectiles sont le symbole que la machine est lancée : l'engrenage du destin est déclenché et ne pourra être arrêté. Les fils qui relient les marionnettes d’œdipe aux cieux incléments et les ombres chinoises permettant des jeux d'échelle entre le plateau et l'arrière-plan ainsi que l'expression de visions cauchemardesques, symboliques ou prémonitoires, participent de cet ancrage tragique. Cependant il s'agit ici de « défroisser » et « démêler » ces mythes et de remettre en jeu : si fatalité il y a vraiment, alors quel rôle pouvons-nous encore jouer ?
           La manipulation, non divine, des personnages de chacune des pièces est prise en charge par une seule personne, et quelque chose de fort passe entre les manipulateurs et leurs poupées manipulées. Le comédien prête sa voix, sa démarche et le mouvement à la marionnette qui, une fois animée, lui offre en échange sa présence, sa puissance d'évocation, son corps comme médiateur. Manipulateur et manipulé ne font qu'un, et en même temps affirment chacun l'existence de l'autre. Mais l'interprète humain se retrouve aussi dans une position de conteur, en charge du récit comme le poète grec. Se joignent à lui des musiciens live : voix et violoncelle accompagnent Antigone tandis que le drame d’œdipe se déroule au son du cuivre et de la guimbarde. C'est bien à du théâtre qu'on assiste, et les comédiens, lorsqu'ils incarnent de temps à autre leur propre rôle en s'adressant à l'objet qu'ils manipulent, sont là pour nous le rappeler. Les membres de la compagnie Les Anges au plafond, se situant dans une dynamique de recherche autour de l'art en pleine expansion qu'est le théâtre de marionnettes, parviennent à maintenir le public en haleine et à le faire passer du rire aux larmes, en lui offrant à voir et à ressentir une tragédie émouvante ponctuée d'éléments d'un malin comique, très souvent à-propos ou décalé, quelquefois presque burlesque pour certains personnages - le roi Créon, ses trois sentinelles, l'oiseau-prologue... L'humour vient ici tantôt comme outil de parodie du pouvoir tantôt pour lâcher du lest du haut de la pièce qui tendrait à devenir excessivement pesante ou grandiloquente.
              On assiste donc à une réadaptation de deux mythes d'une manière tout à fait originale et qui parvient à toucher juste. « La marionnette est un médiateur génial pour dire des choses que ne pourrait pas dire l'humain » déclare Brice Berthoud.

Gladys Vantrepotte 

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