mardi 4 novembre 2014

«Horizons» : Léopoldine Hugo & Yves Beaumont







 La galerie strasbourgeoise Chantal Bamberger vient de célébrer en présence des artistes, vendredi 31 Octobre 2014, le vernissage de  sa nouvelle exposition intitulée Horizons présentant les œuvres de Léopoldine Hugo et de Yves Beaumont.







Il  y a quelque chose d’intrigant dans l'exposition Horizons.  D'un côté, il y a le travail de Léopoldine Hugo. Des lignes douces qui donnent à voir des paysages rêvés. De l'autre, le travail de l'artiste belge Yves Beaumont, un  travail agressif qui traduit un horizon mouvementé.
Bien qu'ils partagent la même thématique et la même technique (ligne horizontale qui efface le concret, le traduisible), la finalité de ces deux artistes ne semble pas identique.

Le travail de Léopoldine Hugo se laisse absorbé par le regard. Ses lignes de couleurs viennent stimuler l'imagination du spectateur. Elles ne s'imposent pas, l'artiste nous montre des lignes qui viennent aveugler le spectateur (horizon au sens philosophique). C'est à ce dernier de traduire les couleurs en les rattachant aux codes de la représentation du paysage. C'est par cette traduction que l'horizon (au sens de la perception) semble se dessiner. Le travail de Léopoldine Hugo donne à voir une certaine poésie et rappel ces échappées que l'on peut vivre en regardant le paysage au travers d'une vitre de train durant un long trajet propice aux rêveries.

Le travail d'Yves Beaumont est beaucoup plus percutant. Il en ressort une certaine noirceur et une certaine rudesse. Ses lignes sont moins disciplinées. Elles répondent aux lignes de Léopoldine Hugo dans le sens où elles viennent compléter l'exercice et lui offrent un autre versant. Après le rêve, le cauchemar, après la douceur, la rudesse, après le statique, le mouvement. Les lignes d'Yves Beaumont aspirent à l'inaccessible, au métaphysique. Elles semblent être le témoin, une  trace, d'un état physique et non d'une émotion (comme c'est le cas dans le travail de Léopoldine Hugo). Les lignes  d'Yves  Beaumont ne sont pas absorbées par le spectateur, elles le percutent, le faisant se perdre dans un désert où les lignes ne sont plus clairement visibles et traduisibles. Où l'horizon se perd, non parce qu'il est grand, mais parce que la matière le malmène, d'où cette sensation de cauchemar.


Florent Lachèvre

vendredi 3 octobre 2014

Quand les feuilles tombent, les pages s'écrivent


Avec septembre, une nouvelle saison commence. Scolaire ou culturelle, cette année à venir démarre par un passage de flambeau et c'est avec joie que la promotion 2013-2014 du Master Critique-Essai prend le relais et vous invite, comme ces prédécesseurs, à découvrir les événements artistiques et culturels de la ville de Strasbourg.

Auteurs critiques en devenir, nous présentons sur ce blog les différentes manifestations artistiques que nous avons l'occasion de découvrir, qu'il s'agisse d'expositions, de performances, de concerts ou de spectacles. Dans une volonté d'ouverture d'esprit, nous ne resterons pas seulement sur la ville de Strasbourg et nous vous inviterons peut-être au voyage afin de découvrir d'autres lieux d'expositions. De la même manière, l'art visuel côtoiera la littérature, la musique, nos travaux d'écriture, dans un soucis d'interdisciplinarité.

S'il est vrai qu'il y a " un art de savoir et un art d'enseigner" (Cicéron), nous sommes tout à la fois élèves et critiques et comptons donc sur votre clémence de lecteur.
En vous souhaitant une bonne visite,

L'équipe 2013-2014

lundi 18 novembre 2013



Les étudiants du master Critique-Essais sont fiers de vous inviter au vernissage-performance de l'exposition Équilibrele 22 Novembre à 18h30 en salle 27 du Palais Universitaire à Strasbourg.

L'exposition organisée par master deuxième année à partir du fonds de l'Artothèque de Strasbourg, se déroulera du 25 au 29 Novembre 2013, tous les jours de 15h à 18h.


L’équilibre, c’est un harmonieux chaos ■
Équilibre, mise en relation des formes et des mouvements ; une harmonie entre le mouvement et le corps ; mais aussi quand, dans quelque chose d’inattendue, les opposés vont parfaitement ensemble (l‘extravagance avec le classique, par exemple) ■ L ’équilibre ne tient qu’à un fil ■ L’équilibre c’est se tenir droit debout ■ L’équilibre c’est le chaos que tout le monde porte en soi mais ne montre pas ■ L’équilibre c’est une aptitude, une sensation, mise sous tension ■ L’équilibre est l'une des proportions de l’instabilité ■ L’équilibre a certainement signé un pacte avec la gravité ■ L’équilibre ne sait pas sur quel pied danser ■ L’équilibre c’est une adéquation entre la matière et le sensible, entre ce que le spectateur ressent face à l’oeuvre et ce que l’artiste a voulu exprimer ■

Avec les œuvres de :
Renaud Auguste-Dormeuil, Quentin Cherrier, Emmanuelle Giora, Katrin Gattinger, Alix Häfner, Mirnaib Hasanoglou, Vera Molnar, Fernande Petitdemange, Diana Quinby, Raom & Loba, Jean-François Robic, Maren Ruben, Sylvie Villaume


Pour plus de renseignements, le dossier de presse de l'exposition est téléchargeable en cliquant ici.
Pour contacter directement les étudiants : ufr.arts.critique@gmail.com



jeudi 9 mai 2013

LOUTHERBOURG par Caroline Megel


LOUTHERBOURG 

STRASBOURG 1740 -LONDRES 1812 : TOURMENTS ET CHIMERES
du 17 novembre 2012 au 18 février 2013 Au Palais Rohan


© Photo de Caroline Megel

Pour découvrir l’exposition sur un peintre inconnu du grand public, le spectateur doit dans un premier temps visiter le musée des Beaux-Arts. Un couloir annonce l’exposition ; un lourd rideau marque le commencement. Deux portraits de Philippe-Jacques de Loutherbourg nous font face. Réalisés par l’artiste lui-même et par Gainsborough, ils représentent deux âges de sa vie, somme toute très tumultueuse. En 1769, appréciant ce peintre, Diderot en parle par ces termes élogieux : « Loutherbourg a un grand talent, je ne lui refuse pas même du génie ». Les visiteurs peuvent en faire l’expérience. Chacune des dix salles témoigne de ses divers sujets de représentation : des paysages pastoraux, des tempêtes maritimes, des repas conviviaux au milieu de la nature florissante. La galerie, censée abriter les natures-mortes, marque la transition entre la France et l’Angleterre. Nous y découvrons des œuvres plus esquissées, telles des gravures, des aquarelles ou des caricatures, mais également des scènes théâtrales. La diversité artistique est mise en évidence dans l’Eidophusikon. Il s’agit d’une représentation scénique, qui intègre la peinture, le théâtre, et tous les moyens mécaniques pour rendre la dramaturgie réaliste et vivante. Son intérêt pour la mise en scène est présente dans ses œuvres picturales. Par une touche léchée et vaporeuse, le paysage sert de décor à l’action. Semblables à des collages, les personnages se détachent du fond par une touche plus précise et minutieuse. Les couleurs chatoyantes accentuent la vivacité des personnages, leur conférant un théâtralisme dans leurs mouvements et leurs expressions.

© Photo de Caroline Megel

Continuons notre déambulation par les salles suivantes ; pénétrons en Angleterre du 18ème siècle. Loutherbourg dépeint ce pays étranger de manière plus romanesque par des paysages de fantaisie, des toiles retraçant des moments historiques et bibliques. Terminons par des scènes de catastrophes où bandits, incendies et naufrages en sont le sujet. Mais les œuvres les plus majestueuses sont celles correspondant aux naufrages, témoignant d’un sublime exacerbé : théorisé et développé par Kant en ces termes « ce qui est purement et simplement grand » et mis en image par l’artiste. Ses tableaux rendent perceptible la tempête impétueuse, les vagues déferlant sur la côte rocheuse et les navires s’échouant sur le rivage. L’œuvre de Loutherbourg est remarquable par sa capacité à nous faire ressentir le bruit de la forêt, le souffle du vent, les rires et les cris des hommes, la chaleur du feu et les embruns d’un océan dans la tourmente. Sa peinture devient romantiquement sonore ; l’expression de l’âme de l’artiste et de la nature angoissée.

Caroline Megel



Charlène Meyer, Dé-Formité par Caroline Megel


Charlène Meyer, Dé-Formité
LIBRAIRIE EX-LIBRO : 
du 2/11/2012 au 30/11/2012

© Librairie ex-libro, photo de Caroline Megel


Dans une ruelle pittoresque, une petite librairie aux plafonds bas et à l’espace exigu, regorge de trésors littéraires et bien d’autres encore. L’attention des passants se porte rapidement sur la devanture où se mêlent livres et œuvres d’un autre genre. Nous y trouvons le septième art au centre, et la littérature coure le long des murs où sont accrochés des œuvres d’arts plastiques. Cette boutique de livres de seconde main les utilise de façon singulière, prétextes à décorer l’espace. Le renouvellement des œuvres se fait mensuellement, assurant une fidélisation de la clientèle, attisant sa curiosité. Le chaland y revient régulièrement, pour le simple plaisir de découvrir le nouvel exposant. Le bouquiniste donne une chance à ceux qui ne peuvent pas exposer dans des galeries. Il offre une nouvelle vie aux livres et une ouverture sur le monde de l’art.
Ce mois-ci, l’artiste peintre est Charlène Meyer, qui utilise de l’aquarelle, de l’acrylique, du stylo bille et des crayons de couleurs sur du papier. Dans la série Dé-Formité, les jus colorés se mélangent pour donner un amas sombre à l’aspect sali. Inspirée d’un certain primitivisme, l’artiste se libère de la forme et du style académique pour revenir aux fondamentaux. D’apparence abstraite, ces peintures montrent des motifs végétaux et organiques, tel un bestiaire regroupant des êtres réels ou imaginaires. Ces dessins imposent leur présence, malgré leur simplicité. L’animalité, dans chacune des représentations, est renforcée par leurs postures dynamiques et mouvantes. Nous y voyons une sorte de taureau, s’apprêtant à charger ; un hibou sur une branche, éclairé par une pleine lune ; des parties de corps d’animaux non identifiées. L’impression de l’ensemble rappelle des peintures rupestres d’un autre âge, un aspect pariétal renforcé par le confinement de ce commerce semblable à une grotte. C’est finalement le charme du lieu, qui procure essentiellement un intérêt à ces œuvres et non leur contenu, manquant de profondeur et bien trop enfantin.


Caroline Megel

mardi 7 mai 2013

Whistling psyché, Julien Brochen, TNS


Whistling psyché mise en scène Julie Brochen au TNS

©Whistling Psyché, Julie Brochen, TNS



Au-dessus de la scène, des rangées de néons blafards et de rails supportant de larges voiles blanchâtres, créant des couloirs aux parois translucides. A l'intérieur de ceux-ci, un comédien qui restera muet, fait rouler des lits d'hôpital de Cour à Jardin, accompagné par un bruitage de train en marche. Sur un des voiles, de côté, est projetée une horloge. Hôpital ou gare, ces deux lieux d'arrivée et de départ sont visibles ici en surimpression. Nous sommes dans l'espace intime des ultimes paroles de deux femmes, inspirées de personnes réelles du XIXème siècle irlandais. L'une a dû longtemps lutter pour être infirmière et la première femme décorée de l'Ordre du mérite, tandis que l'autre s'est travestie en homme pour survivre en s'engageant dans l'armée, et s'est vu refuser la reconnaissance posthume pour son travail pionnier de docteur quand on a su son sexe. Le texte de Sebastien Barry fantasme la rencontre des deux héroïnes : le temps leur est compté et leur série de monologues tendent peu à peu à rentrer en dialogue. Le propos est évidemment féministe : faut-il choisir entre prôner ou renier sa féminité pour espérer être un grand homme ? En réincarnant sur scène les corps de ces deux femmes les comédiennes travaillent cette question identitaire. Jouant avec la semi-transparence des voilages, leurs silhouettes se cachent ou se découpent, leurs ombres se multiplient sur tous les voiles vers le lointain, à l'image de leur identité troublée, divisée. Celle-ci renaît peu à peu au sein de leur discours, tandis que les rideaux blancs s'écartent l'un après l'autre comme l'effeuillage d'une histoire personnelle au cœur de l'Histoire universelle, jusqu'au dernier pan de tissu dévoilant une grande Psyché qui reflète une partie du public. Se découvrant alors sur scène, au milieu de tout ce qui vient d'être mis en jeu, le spectateur se trouve concerné, à la fois comme voyeur et reflet de ces personnages réaffirmant leur identité. La question lui est renvoyée en effet : qui est-il et quel est son rôle ? Que cela implique-t-il d'être spectateur - de la pièce mais aussi de l'Histoire ? Que décide-t-on de retenir, d'honorer ou de juger ? 


Gladys Vantrepotte

Révolution du chorégraphe Olivier Dubois


Révolution, du chorégraphe Olivier Dubois

© Révolution, Olivier Dubois


          Trois pulsations martèlent la pièce. Celle du Boléro de Ravel, celle des douze danseuses et celle du public. L'illustre ostinato rythmique entame la marche sans que l'on sache qui, au bout des 130 minutes de spectacle, aura tenu le coup, tant parmi les artistes que parmi nos voisins de fauteuil. Le dispositif scénique se limite à douze barres de pole-dance, axes autour desquels chacune des danseuses va effectuer sa révolution. Leurs vêtements noirs laissent éclairés les morceaux de chair qui vont être livrés à l'effort. Fortes dans leur vulnérabilité, leurs mains moites enserrent la barre qui devient tantôt piquet autour duquel faire les cent pas, noyau d'un champ de force que les corps en otage ne peuvent quitter, tantôt accessoire de combat, bâton de marcheur, ou soutien auquel se rattraper. La caisse claire assène ses coups et fait résonner les corps de toute la salle à l'unisson. Le temps s'égare dans une esthétique répétitive qui met tant à l'épreuve les actrices de la performance que la patience des spectateurs. La mécanique enclenchée par les corps synchronisés menace cependant plusieurs fois de se briser, lorsqu'une danseuse introduit un décalage ou un mouvement isolé dans la chorégraphie d'ensemble, ou effectue une brève halte. Ces perturbations témoignent de l'existence d'individualités au sein de la masse, et rendent les danseuses davantage volontaires qu'enrôlées de force puisqu'a priori rien en soi, sinon leur idéal, leur but à toutes et à chacune, ne les oblige à persévérer malgré l'épuisement. Sans que l'on puisse définir précisément la raison pour laquelle elles se battent, de nombreux symboles entrent en rotation sur scène et semblent moins évoquer un combat en particulier que l'idée même de la lutte. Engagées dans la création commune de ce fascinant ballet martial, elles chantent en silence l'implication physique et mentale qui lui permet d'exister. Enfin les dernières minutes laissent retentir l'orchestration terrible de la lutte finale, l'énergie du désespoir , et puis, brutalement, la musique disparaît. Seul, le souffle triomphant des corps épuisés nous retient encore, haletants.  


Maillon de Strasbourg
26 / 27 octobre 2012

Gladys Vantrepotte