Révolution, du chorégraphe Olivier Dubois
© Révolution, Olivier Dubois
Trois
pulsations martèlent la pièce. Celle du Boléro de Ravel, celle des
douze danseuses et celle du public. L'illustre ostinato rythmique
entame la marche sans que l'on sache qui, au bout des 130 minutes de
spectacle, aura tenu le coup, tant parmi les artistes que parmi nos
voisins de fauteuil. Le dispositif scénique se limite à douze
barres de pole-dance, axes autour desquels chacune des danseuses va
effectuer sa révolution. Leurs vêtements noirs laissent éclairés
les morceaux de chair qui vont être livrés à l'effort. Fortes dans
leur vulnérabilité, leurs mains moites enserrent la barre qui
devient tantôt piquet autour duquel faire les cent pas, noyau d'un
champ de force que les corps en otage ne peuvent quitter, tantôt
accessoire de combat, bâton de marcheur, ou soutien auquel se
rattraper. La caisse claire assène ses coups et fait résonner les
corps de toute la salle à l'unisson. Le temps s'égare dans une
esthétique répétitive qui met tant à l'épreuve les actrices de
la performance que la patience des spectateurs. La mécanique
enclenchée par les corps synchronisés menace cependant plusieurs
fois de se briser, lorsqu'une danseuse introduit un décalage ou un
mouvement isolé dans la chorégraphie d'ensemble, ou effectue une
brève halte. Ces perturbations témoignent de l'existence
d'individualités au sein de la masse, et rendent les danseuses
davantage volontaires qu'enrôlées de force puisqu'a priori rien en
soi, sinon leur idéal, leur but à toutes et à chacune, ne les
oblige à persévérer malgré l'épuisement. Sans que l'on puisse
définir précisément la raison pour laquelle elles se battent, de
nombreux symboles entrent en rotation sur scène et semblent moins
évoquer un combat en particulier que l'idée même de la lutte.
Engagées dans la création commune de ce fascinant ballet martial,
elles chantent en silence l'implication physique et mentale qui lui
permet d'exister. Enfin les dernières minutes laissent retentir
l'orchestration terrible de la lutte finale, l'énergie du désespoir
, et puis, brutalement, la musique disparaît. Seul, le souffle
triomphant des corps épuisés nous retient encore, haletants.
Maillon de Strasbourg
26 / 27 octobre 2012
Gladys Vantrepotte
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