mardi 7 mai 2013

Whistling psyché, Julien Brochen, TNS


Whistling psyché mise en scène Julie Brochen au TNS

©Whistling Psyché, Julie Brochen, TNS



Au-dessus de la scène, des rangées de néons blafards et de rails supportant de larges voiles blanchâtres, créant des couloirs aux parois translucides. A l'intérieur de ceux-ci, un comédien qui restera muet, fait rouler des lits d'hôpital de Cour à Jardin, accompagné par un bruitage de train en marche. Sur un des voiles, de côté, est projetée une horloge. Hôpital ou gare, ces deux lieux d'arrivée et de départ sont visibles ici en surimpression. Nous sommes dans l'espace intime des ultimes paroles de deux femmes, inspirées de personnes réelles du XIXème siècle irlandais. L'une a dû longtemps lutter pour être infirmière et la première femme décorée de l'Ordre du mérite, tandis que l'autre s'est travestie en homme pour survivre en s'engageant dans l'armée, et s'est vu refuser la reconnaissance posthume pour son travail pionnier de docteur quand on a su son sexe. Le texte de Sebastien Barry fantasme la rencontre des deux héroïnes : le temps leur est compté et leur série de monologues tendent peu à peu à rentrer en dialogue. Le propos est évidemment féministe : faut-il choisir entre prôner ou renier sa féminité pour espérer être un grand homme ? En réincarnant sur scène les corps de ces deux femmes les comédiennes travaillent cette question identitaire. Jouant avec la semi-transparence des voilages, leurs silhouettes se cachent ou se découpent, leurs ombres se multiplient sur tous les voiles vers le lointain, à l'image de leur identité troublée, divisée. Celle-ci renaît peu à peu au sein de leur discours, tandis que les rideaux blancs s'écartent l'un après l'autre comme l'effeuillage d'une histoire personnelle au cœur de l'Histoire universelle, jusqu'au dernier pan de tissu dévoilant une grande Psyché qui reflète une partie du public. Se découvrant alors sur scène, au milieu de tout ce qui vient d'être mis en jeu, le spectateur se trouve concerné, à la fois comme voyeur et reflet de ces personnages réaffirmant leur identité. La question lui est renvoyée en effet : qui est-il et quel est son rôle ? Que cela implique-t-il d'être spectateur - de la pièce mais aussi de l'Histoire ? Que décide-t-on de retenir, d'honorer ou de juger ? 


Gladys Vantrepotte

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