mercredi 19 décembre 2012

Pavlos Fysakis



Pavlos Fysakis par Alix Werthauer 


Pavlos Fysakis nous propose, dans l’exposition « Cosmographie », un voyage aux quatre coins de l’Europe. Il nous montre que la destination importe peu, et retrace avant tout son voyage, et ses rencontres, dans ses œuvres.
L’artiste grec expose son point de vue sur la crise identitaire européenne, et met en avant les problèmes frontaliers qui l’animent. Ses photographies sont donc représentatives de ce sentiment, et dénoncent les limites d’une Union. Au travers de ses photographies, l’auteur nous décrit les ressemblances et les différences qui font la force d’un peuple. Ce sujet est tout d’abord abordé de façon métaphorique dans son travail. Il insiste particulièrement sur les limites terrestres, que l’on retrouve aussi bien en Norvège, en Russie, en Grèce ou au Portugal. Ses photos sont marquées par la séparation entre la terre ou la mer, avec le ciel. Tous ces paysages sont différents, pourtant ils partagent des éléments communs. Le ciel est présent dans une majorité des œuvres, mais aussi l’Homme.
 

P. Fysakis souligne l’incongruité d’un monde dont les valeurs sont en perdition. Il photographie ainsi un psychologue, et peintre, dans un trou, en Russie, ou un chef de restaurant sur une plage déserte. Il déplace l’Homme hors des limites, hors de son contexte habituel, afin de créer un choc culturel. Il explique par ailleurs être lui-même surpris par certaine de ses découvertes, comme en Russie par exemple : « A ma grande surprise, on me dit que le maire a décidé de rouvrir les goulags pour en faire des hôtels ». Les photographies de P. Fysakis sont un reflet de son voyage et de ce qu’il y a appris. Il s’agit donc aussi bien d’une mise en image des difficultés frontalières de certains pays, que de l’absurdité de situations rencontrées pendant ses recherches.
 

L’artiste nous montre des paysages ambivalents : une terre asséchée, un océan, une route enneigée, un terrain de football, ou encore une vitrine de magasin. Il fige une nature, des hommes, représentatifs de leur région. Il surprend dans le calme et la sérénité que nous inspire ces photos. La redondance de la terre, l’eau, et le ciel, autrement dit l’air, nous rappelle trois des quatre éléments naturels, dont l’Homme en serait le quatrième : le feu. Cette allégorie place l’Homme en position d’agitateur, troublant ainsi l’unité d’une nature dont il est pourtant complémentaire.
 

L’artiste nous fait voyager, et nous surprend au travers de photographies inattendues. Il représente quatre pays par le biais d’images contraires aux stéréotypes : la Grèce n’est pas symbolisée par des maisons blanches, ou la Norvège par de jeunes femmes blondes aux jambes surdimensionnées. Pavlos Fysakis nous expose des êtres vivants, des pays, que l’on peut considérer comme les emblèmes d’une humanité. Il rassemble également des populations séparées par des milliards de kilomètres. 




Pavlos Fysakis : un monde utopique, une Europe unie par Caroline Megel


L’exposition Cosmographies, présentée par Apollonia au sein du Hall des Chars, met en lumière la question d’une culture européenne contemporaine, à travers des œuvres toutes différentes les unes des autres.

La série photographique de Pavlos Fysakis recherche une identité typologique, dans quatre villes européennes les plus extrêmes géographiquement. De ce fait, les traits caractéristiques des habitants, de l’environnement, sont regroupés et font l’objet d’une sorte d’étude de l’aspect actuel de notre globe. Nous pouvons découvrir des régions représentatives des quatre points cardinaux, telles que Sintra au Portugal, Finmark en Norvège, Urals en Russie et Gavdos en Grèce. Chaque série de clichés, correspondant à une ville, est mise en espace suivant leur situation géographique.

En les observant toutes, je ressens une difficulté à les distinguer, à trouver un indice qui pourrait m’indiquer de quel coin de l’Europe il s’agit. En effet, les photographies se ressemblent, par leurs couleurs, par leurs composants et par leur cadrage. Les villes se confondent et c’est en cela tout l’intérêt de cette série. Chaque cliché a une composition géométrique bien marquée créant une forte symétrie : un point de vue central, une ligne horizontale séparant nettement le sol et le ciel, une ligne verticale au milieu. Ce dernier, un arbre, une personne ou un poteau, est au centre, semblable à un drapeau d’une nation planté dans le sol d’un nouveau territoire. Le cadre autour des œuvres peut s’apparenter à une fenêtre ouverte sur le monde.

L’artiste recherche un monde utopique, dans lequel il n’y a pas de différence entre les habitants ; tous seraient égaux. Est-ce imaginable une culture et une identité européennes uniques? C’est bien cela que Pavlos Fysakis cherche à interroger. En plus d’être photographe, celui-ci travaille pour un journal politique et engagé. Sa série de clichés insiste sur un aspect unificateur en les rendant le plus similaire possible. Sa volonté de communion entre les nations européennes est ainsi représentée, à travers l’ensemble de son oeuvre réuni en un tout. Bien que les photographies montrent des lieux connus, leur confrontation dans un même espace crée un univers inconnu. Il conçoit un monde propice aux échanges et établit une cohésion entre la population. Cet environnement nouveau permettrait à l’être humain de n’être plus étranger et d’abattre les barrières de la différence sociale, différence de culture, et surtout différence d’origine.




A la recherche d'une identité européenne par Raimonda Tamulaviciute


Cosmographies est une exposition qui présente trois artistes grecques qui se sont particulièrement penches sur la question de l’Europe et de leur peuples, ainsi qu’au quotidien religieux et à la mystique qui y sont rattachés.Les repères géographiques et la question de l’identité européenne sont des sujets qui interrogent particulièrement le photographe Pavlos Fysakis.

Le photographe affirme que l‘un des aspects le plus important pour décrire l‘identité européene est celui de la religion. « La religion réunie les habitants d’Europe et les sépare de ceux qui ne croient pas », dit l’artiste.1 Pourtant dans sa série photographique, nous ne distinguons aucuns signes qui se référent directement aux symboles religieux. Le photographe nivèle les indices qui renvoient aux signes identitaires, en disant qu’aujourd’hui, nous sommes dans une situation ou nous ne nous referons pas à une pluralité de groupes identitaires marqués, mais plutôt à une identité européenne globale qui pourraient être appliqués à la totalité des individus sans distinction. Or, la question de l’identité devient de plus en plus floue et individuelle. Elle dépend de notre propre expérience en tant qu’être humain.

Les paysages qui sont présents dans les photographies font partie d’une identité topographique. À première vue les paysages sont similaires, mais ils nous apparaissent pourtant plus singuliers que les hommes qui y figurent. Est-ce une volonté du photographe de souligner la permanence du paysage au cours des années et des siècles ? Ou veut-il mettre en évidence les changements qui s’opèrent au fil des générations qui se succèdent dans le temps?

Citons une phrase qui illustre la recherche d’identité et l’histoire complexe de l’Europe: «Si vous souhaitez comprendre le tout, divisez le en pièces. Les quatre horizons : l’ouest, l’est, le nord et le sud.»2 Cette division appliquée par l’artiste pose plusieurs questions sur le plan historique et anthropologique. Est-ce qu’il existe une histoire commune de l’Europe, une identité européenne? Ou est ce-que la distance géographique et culturelle sont prépondérantes ? Les personnages des photographies de Pavlos Fysakis se posent-ils la question de leur identité européenne ou, de leur identité en tant que citoyen d’un monde de plus en plus globalisé?

Ces problématiques se dévoilent peu à peu dans son œuvre. Le photographe, dans la composition centrale, nous pose un certain nombre de questions, sans pour autant nous donner les réponses. Il souligne, la diversité des réponses possibles sur l’identité européenne. D’un côté elle renvoie à une certaine stabilité, à l’identité très forte d’un lieu particulier, comme dans le cas de la famille de Rafik : « Ils connaissent le problème de la pollution, très dangereuse, mais ils ne font rien, car ils sont nées là-bas et ils ne savent pas comment vivre ailleurs »3. Mais à la fois, il s’agit d’une non-identité ou d’une identité très personnelle et individuelle, comme le cas de Boris, qui habite l’île de Gavdos, et qui habitait avant à Moscow puis à New York. “Le facteur le plus important, et qu’on ne peut mesurer rationnellement, est l’être humain”4 – dit le photographe, qui affirme encore une fois que les êtres humains et leur histoire sont au cœur de sa série.

Au milieu des paysages, des grands plans, très solitaires et vides, nous sommes donc face à des extrêmes: entre la frontière et la terre, hors de la zone connue, entre la nature et l’être humain, entre le début et la fin. Ces photographies traitent de la singularité de ces habitants, qui vivent toujours sur la limite territoriale, mais aussi sur le fil de la conscience de leur propre individualité
.1 Le catalogue de l’exposition Cosmographies, p. 80
2Ibid, p. 79
3 Ibid, p. 82
4 Ibid, p. 78

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